La technique CRISPR-Cas9 semble donner des résultats prometteurs dans une étude chez le chien.
L'importance des chiens atteints de Duchenne pour la recherche
Les scientifiques ont, pour la première fois, réussi à appliquer la technique CRISPR aux chiens atteints de Duchenne. Il existe, chez plusieurs races de chiens, une forme de Duchenne très similaire à celle de l'homme. Les chiens sont des animaux de laboratoire plus importants que les souris, tout d’abord parce qu'ils sont grands, mais aussi parce qu'ils sont mieux en mesure de mesurer l'effet physiologique d'une plus grande quantité de dystrophine. Chez la souris, les effets physiques sont beaucoup moins évidents et ce rongeur a également un métabolisme très différent du nôtre et une plus grande tolérance.
Génie génétique CRISPR-Cas9 : ciseaux à ADN intelligents
La technique CRISPR est capable de couper et, éventuellement de réparer, des morceaux spécifiques d'ADN, comme des ciseaux. Des ciseaux moléculaires (cas-9), ainsi qu'une molécule guide d'ARN qui montre aux ciseaux où couper, sont introduits par un virus inoffensif.
Les chercheurs ont injecté un virus avec CRISPR et son guide ARN dans le muscle squelettique et le tissu cardiaque de chiots d'un mois porteurs de la mutation DMD. Les chiens sélectionnés possédaient tous les quatre la mutation la plus courante observée chez 13 % des patients humains atteints de Duchenne. Avec une seule coupe stratégique dans les morceaux d'ADN en question, l'ADN défectueux pourrait être réparé dans les muscles squelettiques et cardiaques.
Les résultats
Dans les deux mois qui ont suivi le traitement, les taux de dystrophine ont augmenté. Dans les muscles squelettiques, les taux de dystrophine ont augmenté en fonction du type de muscle, et le taux atteignait de 3 à 90 % par rapport au taux normal. Dans le muscle cardiaque, qui est évidemment l'une des principales cibles de ces thérapies, le taux de dystrophine lui-même a atteint 92 % du taux normal. Ces chiffres sont remarquables parce qu'on pense que des augmentations d'au moins quinze pour cent sont nécessaires pour s'attendre à un effet physiologique. Les chercheurs, qui ont publié leurs recherches dans la revue scientifique Science, ont déclaré qu'ils n'ont pas remarqué de changements involontaires dans d'autres régions du génome. Il n'y a pas eu d'effets secondaires inattendus jusqu'à présent.
Réflexions
Aussi passionnants que puissent paraître ces résultats de recherche, il est important de les interpréter avec prudence. Il y a plusieurs bonnes raisons à cela.
Tout d'abord, il s'agit d'une étude préliminaire qui visait principalement à prouver que le concept peut fonctionner. Cependant, le nombre d'animaux de laboratoire, quatre chiens seulement, est beaucoup trop faible pour fournir des résultats statistiquement fiables. Il suffit de penser aux grandes différences dans la progression de la maladie chez les patients atteints de la maladie de Duchenne, même avec la même mutation.
Deuxièmement, cette recherche n'a porté que sur la formation et les niveaux de dystrophine, sans cartographie des améliorations physiologiques. Bien que l'on puisse s'attendre à ce qu'une augmentation du taux de dystrophine entraîne des améliorations physiologiques, cela n'est pas certain et doit être démontré séparément.
Troisièmement, nous avons uniquement les résultats d'une étude à très court terme. Pour pouvoir évaluer la sécurité, il faut non seulement beaucoup plus d'animaux de laboratoire, mais il faut aussi vérifier qu'il n'y ait pas d'effets négatifs sur le long terme. Cette technique a récemment soulevé de sérieuses préoccupations en matière de sécurité parce que de nombreuses autres coupures non désirées peuvent se produire dans des parties de l'ADN où ce n’était pas prévu. Cela pourrait entraîner des effets indésirables (désactivation accidentelle de gènes importants) et même causer un cancer. De plus, on sait que la protéine Cas9 reste présente dans les cellules pendant longtemps. Elle peut entraîner une coupure de l'ADN pendant une longue période de temps, éventuellement au mauvais endroit, mais cela signifie également que le système immunitaire pourrait l'attaquer plus facilement.
Les scientifiques qui mènent ces recherches n'ont pas remarqué de mauvaise coupe, mais ils se concentraient probablement sur la zone cible et non à l'extérieur. D'autres études qui cherchaient spécifiquement la marge d'erreur de la technique CRISPR ont trouvé des erreurs dans 20 % des cellules ! Pour ce faire, cependant, il a fallu examiner des parties beaucoup plus importantes du génome.
Quatrièmement, il existe un problème analogue à celui de la thérapie génique classique, pour laquelle les premières études sont actuellement menées sur des enfants (voir rapports précédents). Ici aussi, on ne sait pas combien de temps l'effet durera. Il peut donc s'avérer nécessaire d'effectuer un traitement complémentaire. Cependant, les virus que le système CRISPR-CAS9 délivre dans la cellule sont les mêmes que dans la thérapie génique classique. Il a fallu plus de 20 ans pour trouver ces virus parfaits et inoffensifs. Cependant, l'administration d'une deuxième dose avec ce même type de virus est impossible car on est immunisé contre ce virus après la première dose. Il y a aussi déjà des gens qui sont déjà naturellement immunisés contre ces virus.
Conclusion personnelle
La technique CRISPR est encore une technique relativement jeune avec beaucoup de potentiel, mais de nombreux obstacles doivent encore être surmontés. Ces études et ces résultats sont des premiers pas passionnants vers un traitement possible de la dystrophie musculaire de Duchenne, mais il faudra peut-être encore de nombreuses années de recherche avant de mettre au point la technique pour qu'elle soit suffisamment sûre pour être testée sur des humains. Des recherches sur cette technique sont certainement essentielles et PPMD, entre autres, a prévu des investissements dans ce domaine.
Conny Pelicaen
Textes sources :
http://science.sciencemag.org/content/early/2018/08/29/science.aau1549
https://www.scientificamerican.com/article/crispr-gene-editing-shows-promise-for-treating-a-fatal-muscle-disease/
https://newscientist.nl/nieuws/crispr-behandelde-puppys-minder-last-spierdystrofie/
https://musculardystrophynews.com/crispr-cas9-treatment-dmd/
https://www.sciencedaily.com/releases/2018/07/180719165032.htm
https://newscientist.nl/nieuws/opnieuw-aanwijzing-dat-crispr-kanker-kan-veroorzaken/