Trois essais cliniques de thérapie génique ont débuté aux USA pour Duchenne
Fin 2017, aux États-Unis, trois essais cliniques différents et indépendants de thérapie génique ont débuté. L’objectif de ces derniers est d'introduire, via un virus AAV, une version raccourcie du gène de la dystrophine dans les cellules musculaires. Pour chacun de ces essais, le traitement unique se fait via une perfusion qui amène le virus contenant la micro- ou mini-dystrophine dans la circulation sanguine. Il s’agit de phases I/II dont l'objectif principal est de déterminer la sécurité du traitement, tout en faisant déjà des évaluations sur son efficacité. Les patients participant à ces trois essais sont âgés de 3 mois à 17 ans, selon l’essai, et ont tous la nationalité américaine.
Un parcours préparatoire de 20 ans
Un parcours préparatoire de 20 ans a été nécessaire pour en arriver aux essais cliniques entamés aujourd’hui et, durant ce laps de temps, de nombreuses difficultés ont déjà été surmontées.
Il a d’abord fallu trouver un vecteur (virus) qui soit sûr afin d’amener une copie correcte du gène de la dystrophine aux muscles. Il fallait donc évidemment un virus non pathogène. Les deux premiers virus sélectionnés permettaient de transporter une quantité plus importante d’ADN, mais l’un d’entre eux provoquait une réponse immunitaire et l’autre « construisait » l’ADN dans les chromosomes, ce qui risquait d’endommager d’autres gènes fonctionnels. On travaille aujourd’hui avec des virus AAV (= virus adéno-associés). Il s’agit de virus non pathogènes qui semblent être capables d’atteindre le tissu musculaire via la circulation sanguine. Un autre avantage du virus AAV est qu’il n’incorpore pas le matériel génétique dans l’ADN chromosomique ; il peut rester dans le noyau, à l'extérieur des chromosomes, dans ce qu'on appelle un épisome. Il ne pourra donc pas endommager les autres gènes fonctionnels.
Une limitation du virus AAV est qu'il ne peut transporter qu'un paquet d'ADN limité. Dès lors, le gène de la dystrophine, qui est le plus long de l’être humain, est beaucoup trop grand pour être transporté dans son intégralité par un virus AAV. C’est pourquoi les chercheurs ont dû établir quelles parties du gène doivent être les plus stables et fonctionnelles possibles. Sur base de ces recherches, on a pu créer une dystrophine beaucoup plus courte, appelée micro-dystrophine, ou parfois mini-dystrophine, qui conserve en grande partie la fonctionnalité de la dystrophine et qui est également stable.
De plus, les chercheurs ont pu s’assurer que la micro-dystrophine soit uniquement activée dans les cellules cardiaques et musculaires (grâce à l’utilisation d’un promoteur spécifique pour le gène de la micro-dystrophine). De cette manière, on espère également pouvoir renforcer le muscle cardiaque.
Cette thérapie expérimentale a été testée sur différents modèles animaux avant d’entrer dans la première phase des essais cliniques. En outre, des succès récents de la thérapie génique pour d’autres maladies ont ouvert, nous l’espérons, la voie à une longue série de réussites, notamment pour la myopathie de Duchenne.
Attentes et défis
Si ces essais de thérapie génique avec micro-dystrophine s’avèrent être un succès, il serait théoriquement possible de traiter tous les patients, indépendamment de leur mutation.
Cependant, si un patient a déjà contracté le virus AAV, la probabilité que la thérapie ne fonctionne pas chez lui est élevée. En effet, dans ce cas, le système immunitaire reconnaîtra alors le virus et se défendra, empêchant dès lors le virus de délivrer son paquet de micro-dystrophine dans les cellules musculaires. Plus le patient est jeune, moins il est probable qu’il ait déjà contracté le virus AAV. Bien qu’il soit difficile d’estimer le nombre de garçons ayant Duchenne et ayant déjà été touché par le virus AAV, nous pouvons estimer ce nombre à environ 20% des patients.
Une autre difficulté à surmonter est l’efficacité sur le long terme. En effet, les cellules musculaires meurent au cours du temps et sont renouvelées. Cependant, étant donné qu’il est difficile pour le virus AAV de pénétrer dans les cellules satellites (les cellules souches à partir desquelles sont formées les nouvelles cellules musculaires), le traitement perdra son efficacité avec le temps. Il est difficile d’estimer à quelle fréquence il faudrait répéter le traitement. Néanmoins, en se basant sur les modèles animaux, on peut supposer que ce soit tous les 10 ans. Malheureusement, à l’heure actuelle, il est impossible de répéter un traitement de thérapie génique, car chaque patient traité aura déjà développé des anticorps pour le virus AAV. Si les essais sont un succès et le traitement s’avère efficace, nous aurons donc une dizaine d’années pour trouver une solution à ce problème afin que le premier groupe de garçons traités puisse l’être à nouveau. Étant donné que ce problème d’anticorps se pose pour tous les traitements de thérapie génique, beaucoup d’argent sera investi dans le futur pour trouver un moyen de répéter les traitements.
Finalement, il existe aussi un risque de réaction immunitaire à la micro-dystrophine, une protéine que le corps n’a encore jamais produite et qui pourrait être considérée comme un corps étranger.
Notons que si ces traitements ont l’effet escompté, ils devraient permettre une évolution plus lente et stable de la maladie, similaire à celle des patients ayant la myopathie de Becker. En combinaison, avec d’autres traitements, cela pourrait même mener à une stabilisation.
Impact de l’âge des patients
Les premiers essais cliniques sont limités aux jeunes enfants, car il faut d’abord démontrer que l’effet est optimal avant de pouvoir étendre l’essai. L’âge a en effet un impact sur la thérapie génique, et ce pour différentes raisons.
Une première raison, déjà citée, est le fait qu’à un jeune âge le risque d’avoir été déjà exposé au virus AVV est moins important. Les enfants plus jeunes ont également une masse musculaire plus importante et moins de fibrose musculaire. C’est important car la fibrose agit comme une barrière contre le virus AVV, ce qui signifie qu’il faudrait encore plus de virus pour atteindre les cellules musculaires des patients plus âgés.
Cependant, la thérapie génique chez les très jeunes enfants présente aussi un inconvénient. En effet, en thérapie génique, ce sont les noyaux des muscles existants qui absorbent le gène de la micro-dystrophine. Or, quand ceux-ci se développent encore très fortement (chez les enfants très jeunes), il y a un risque que la micro-dystrophine se « dilue » trop fortement.
Une chose qui doit également être prise en compte est que si l’on a déjà participé à un essai clinique de thérapie génique, on ne sera plus en mesure de participer à un autre essai de ce type par la suite. L’effet de la thérapie génique est durable, contrairement à d’autres traitements pour lesquels on peut supposer que les effets ont disparu du corps après un certain temps. Il sera bien sûr possible d’avoir accès aux traitements approuvés par la suite, mais plus aux essais de thérapie génique.
Les récents succès en thérapie génique pour d’autres maladies ouvrent une nouvelle voie
Au cours des dernières années, la thérapie génique a déjà connu quelques succès pour d’autres maladies.
Il y a d’abord eu un premier succès pour une dystrophie rétinienne s’appelant l’amaurose congénitale de Leber. Cette dystrophie de la rétine affecte la vision dès la petite enfance et rend progressivement aveugle. Dans ce cas, un essai clinique de thérapie génique a été un succès. Le fait qu’il n’y ait pas de réaction immunitaire dans l’œil lui-même a probablement joué un rôle majeur et a permis que ce soit la première réussite de la thérapie génique.
D’autre part, il y a également eu de belles réussites en thérapie génique pour l’hémophilie B et l’amyotrophie spinale de type 1 (SMA1). Dans ces cas-là, on a travaillé avec des immunosuppresseurs et une forte dose de stéroïdes au moment du traitement afin d’empêcher le système immunitaire de détecter le virus (après un certain temps, il sera possible de réduire les immunosuppresseurs et les stéroïdes). Ces études se sont révélées sûres et ont entraîné peu d’effets secondaire, et cela a aidé à ouvrir la voie des essais cliniques pour Duchenne.
Ce texte est une traduction simplifiée se basant sur le webinar publié par PPMD sur la thérapie génique, en combinaison avec l’article suivant :
Webinar Gene therapy for Duchenne Part I: https://www.youtube.com/watch?v=N7JYTLMDQhM
Webinar Gene therapy for Duchenne Part II: https://www.youtube.com/watch?v=kRV8NukPgaY
Webinar Gene therapy for Duchenne Part III: https://www.youtube.com/watch?v=ddVym0LXLC8